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Prévenir et soigner les troubles du spectre traumatique (Episode n°2)

Dr Jean-Pierre Papart

Le rôle de la parole



La relation entre le médecin –  le psychiatre-psychothérapeute en particulier – et son patient passe nécessairement par la parole. Comme j’ai pu le faire antérieurement avec le concept d’émotion où j’avais estimé utile d’en faire une description phénoménologique avant de l’aborder sous l’angle neuroscientifique (Du Vague à l’âme, Episode n°3), et plus récemment avec le modèle d’action phénoménologique de la physiopathologie du TSPT (Les troubles du spectre traumatique, Episode n°9), je voudrais expliciter anthropologiquement et philosophiquement ce que j’entend par la parole, étant donné l’importance dominante de celle-ci dans l’interaction entre patient et psychiatre-psychothérapeute.

 

Pour se faire, je me propose de partager un article écrit en 2002 par moi-même avec l’aide d’une collègue[1].

 

Dans un article publié dans revue La Recherche du mois d’avril 2001, Robin Dunbar[2] propose que le langage aurait permis d’entretenir les liens sociaux et que c’est dans cette perspective qu’il faille rechercher la cause de son apparition. Dans le même numéro de la revue, un autre article écrit par Jean-Louis Dessales[3] justifie le rôle du langage en permettant l’affirmation des com­pétences informationnelles des individus. Dans un troisième article du même numéro, Michael Corballis[4] avance l’hypothèse que le langage a été précédé par une communication à base de signes manuels. Le scénario que nous allons défendre intègre les divers points de vue présentés dans La Recherche du mois d’avril 2001, mais propose plus fondamentalement que le langage a tout simplement permis à l’espèce Homo sapiens de survivre. 


Si nous sommes la seule espèce animale à parler, c’est, si l’on accepte les conséquences des thèses darwiniennes aujourd’hui moins sujettes à caution, parce que notre espèce a trouvé cette astuce pour survivre malgré des particularités extrêmement défavorables comme nous allons le montrer.


Comme le rappelle Dunbar, le cerveau des primates est particulièrement volumineux en com­paraison à celui des espèces à masses corporelles similaires, plus encore celui de l’homme[5]. Cette caractéristique ne peut être justifiée, comme les éthologistes le faisaient encore il y a quelques années, par un atout nécessaire à l’acquisition de nourriture dans les situations ad­verses. Comme écrit Dunbar, cette explication « sous-estime le coût biologique du dévelop­pement et de l’entretien d’un gros cerveau ». Nous allons montrer que cette explication sous-estime principalement le risque d’autodestriction d’Homo sapiens par agressivité intraspéci­fique.


S’il existe bien une corrélation positive entre la proportion volumétrique dévolue au néocortex dans le cerveau des primates et la taille moyenne de leurs groupes d’appartenance[6], 150 pour l’homme contre 50 pour les grands singes les plus sociaux comme les chimpanzés et les ba­bouins, cet hyperdéveloppement du cerveau humain doit trouver une explication biologique­ment plausible. En d’autres termes, cet hyperdéveloppement ne doit pas seulement nous faire constater ses conséquences, une existence partagée avec un large groupe d’appartenance si­gnificative d’une forte complexité sociale, mais aussi concevoir ses causes probables. Par quelle nécessité biologique, le cerveau humain a-t-il évolué si radicalement ?


Comme nous venons de l’indiquer, Dunbar constate la forte corrélation entre la taille du néo­cortex et l’importance numérique des groupes d’appartenance. Chez les singes supérieurs ap­partenant à des groupes constitués d’une cinquantaine de membres, les activités d’épouillage, qui occupent environ 40% de leur temps de veille, assurent un lien social dont la fonction, toujours selon Dunbar, consiste à assurer la coopération nécessaire pour faire face collective­ment aux prédateurs. Ces activités d’épouillage, à travers la libération d’opiacés endogènes (endorphines) qu’elles stimulent chez les individus épouillés, reconstituent en permanence la confiance interindividuelle nécessaire à la coopération.


L’efficacité de l’épouillage pour assurer la qualité d’un lien social fonctionnel est bien en­tendu insuffisante en ce qui est de l’espèce humaine. Pour assurer une cohésion sociale dans un groupe d’environ 150 personnes, toute la période de veille serait largement trop courte pour assurer les relations d’épouillage.


Mais où est la cause et où est l’effet ? Dunbar mesure et constate la corrélation entre la taille du néocortex et l’importance numérique des groupes d’appartenance, mais ne se posi­tionne toutefois pas sur le sens de la relation de causalité entre les deux variables corrélées. Son inférence se limite à nous dire que dans des groupes primates de 50 individus l’épouillage est suffisant pour assurer un lien social qualitativement opérant, mais non plus dans un groupe de 150. Toujours selon Dunbar, chez l’homme, l’outil « d’épouillage » serait le langage. Quant à nous, nous pensons que l’homme parle, non pas parce qu’il vit à l’intérieur de grands groupes d’appartenance, mais bien pour une raison X qui lui permet et l’oblige à la fois de vivre en grand collec­tif.


La bonne question de départ est donc celle de la fonction du lien social et non pas seulement celle du moyen de l’assurer (le lien social) à l’intérieur de groupes d’appartenance plus ou moins grands. Comme déjà écrit plus haut, Dunbar identifie la fonction du lien social chez les singes supérieurs – la défense collective contre les prédateurs – mais ne dit rien de cette fonc­tion dans l’espèce humaine, alors que par ailleurs il en propose l’instrument de production et de reproduction : le langage.


Avant de nous accorder avec Dunbar pour dire que le langage joue bien un rôle irremplaçable pour assurer le lien social dans l’espèce humaine, nous allons d’abord montrer quelle en est la fonction vitale. Nous acceptons l’avis des primatologues qui identifient la fonction du lien social chez grands singes à la coopération nécessaire à l’autoprotection du groupe contre les prédateurs, parce que cela nous paraît raisonnable et que nous n’avons pas les compétences primatologiques pour les réfuter. Par contre, lorsque nous parlons de l’homme, la fonction essentielle du lien social est autre, et, selon plusieurs auteurs que nous allons bientôt citer, en relation avec la gestion nécessaire de l’agressivité intraspécifique, beaucoup plus susceptible que n’importe quel prédateur de nuire substantiellement, sinon définitivement, à Homo sapiens.


Nous allons maintenant montrer pourquoi c’est bien l’agressivité intraspécifique qui représente le principal danger auquel doit faire face l’espèce humaine. Ensuite, nous ver­rons que la fonction du lien social est la prévention de la violence liée à l’agressivité intraspé­cifique. Pour terminer, nous montrerons l’incontournable nécessité de la communication et la meilleure efficacité du langage pour produire et reproduire le lien social.


C'est avec les recherches éthologiques sur les fonctions de l'agres­sivité in­traspé­cifique que cette dimension du comportement a acquis droit de cité dans les sciences humaines et socia­les[7]. Ces re­cherches ont mis en évidence que le comportement agressif intraspécifique a comme fonction primordiale la pré­servation et la conquête d'avan­tages qui profitent à la vie, sinon à l’espèce comme on le pensait jadis, du moins aux individus concernés[8]. Chez la quasi-totalité des espè­ces animales, l’agressivité intraspécifique est autolimitative et donc non sus­ceptible de les mettre sérieusement en danger d’extinction. Tinbergen aura en particulier éta­bli la quasi inoccurrence du meurtre à l'intérieur d'une même espèce animale, en s'empressant toute­fois d'indi­quer que l'espèce humaine fait malheureusement exception à la règle[9].


En milieu naturel, quand deux animaux d'une même espèce s'agressent, il est ex­cep­tionnel que le combat soit fatal pour l'un ou l'autre des adversaires grâce à la mise en œuvre d'inhibitions spécifiques ; au premier rituel de soumission d'un des deux combattants, l'agressivité du do­minant se voit inhibée presque instantanément[10]. La vio­lence interspécifique, qui se termine réguliè­rement par la mort de l'adversaire, est en général quant à elle dénuée d'affect à l'en­con­tre de la vic­time, réduite intégralement à sa dimen­sion alimentaire. Un chat ne recon­naît pas une souris pour ce qu'elle est en tant qu'individu mais pour ce qu'elle re­présente comme source alimentaire. Leur interaction n'est pas recherche de rivalité. Quand, par contre, un ani­mal est agressif à l'encontre de l'un de ses congénères, l'agres­sion est reconnais­sance du rival[11] et appe­l à la re­con­naissance ré­cipro­que de non-ap­propriation d'un terri­toire, d’une progéniture, d'une proie, etc.


Sauf accident, la fonction de l'agres­sivité intraspécifique n'est donc pas lyti­que. Elle n'a pas pour finalité la mort de l'adver­saire, mais la communi­ca­tion d'une information dont l'ac­quisi­tion par le ré­cepteur, motivé par la vio­lence de l'émetteur, aura un impact protecteur sur ce dernier. L'espèce humaine fait très largement exception à cette règle. Dans son développement phylogénétique, elle s'est révélée parti­culière­ment in­apte à gérer sa propre agressivité. Princi­palement à cause de l'acquisition de l'ob­jet de médiation de l'agressivité (le bâton, la pierre, l'arme en général), elle n'aura pu contenir la gravité de la vio­lence que les relations interindi­viduel­les génèrent du fait de l'instinct d'agressivité. En ef­fet, à partir du moment où l'agressi­vité chez l'homme se voit média­tisée par des armes, un décalage appa­raît entre l'efficacité meurtrière de ces derniè­res et les mé­canismes inhibiteurs de l'agressivité. Par la vitesse qu'elle permet dans l'exécution de la violence, l'utilisation de l'arme ne laisse pas le temps nécessaire à l'agressé pour l'adoption de conduites instinctives d'inhibition de la violence chez l'agres­seur, en particulier les postures de soumis­sion. Les armes, parce qu'elles permettent de tuer à distance, empêche aussi l'agresseur d'apercevoir ces mêmes conduites inhibitrices chez l'agressé. Si un sourire de ce dernier, ou un détournement de son regard, ont normalement un ef­fet inhibiteur très net sur l'agresseur, ces gestes inhibiteurs de l'agressivité ne pourront opé­rer faute d'être perçus, parce que les adversaires ne sont pas à portée du regard, pourtant bien à portée d'une arme[12]. Les mécanismes inhibiteurs de la violence se voient court-circuités et expérimentent ainsi un retard phylo­gé­néti­que par rapport au déve­loppement plus rapide de l'efficacité des ar­mes. « La distance à laquelle les armes [...] sont efficaces, est devenue suffi­sam­ment grande pour que le tireur soit à l'abri des si­tuations stimulantes qui, autre­ment, acti­ve­raient ses inhibitions contre le meurtre. Les couches émo­tionnelles profon­des de notre per­sonne n'enregis­trent tout simplement pas le fait que le geste d'ap­puyer sur la gâchette fasse éclater les entrailles d'un autre humain. »[13]. L'utilisation des armes fait obstacle à l'effective réalisation émotionnelle de ce que les hommes engagent en réalité quand ils se font violence.


Nous pouvons donc dire que, chez Homo sapiens, l'ins­tinct d'agressivité est, contraire­ment à l'animal, en pos­sibilité de met­tre en dan­ger l'espèce. Pourquoi?  Parce qu'il est, selon Lorenz, comme exagéré à la fois par 1) l'objet mé­diateur de l'agressivité - l'arme[14],[15], 2) une efficacité insuffisante des mécanismes phylogénétiques de l'inhibition de la vio­lence et ... 3) une très forte dis­po­sition mimétique, sur laquelle nous allons maintenant insister.


Pour démontrer maintenant, comme nous nous le sommes proposés, comment la fonction du lien social est justement la prévention de la violence liée à l’agressivité intraspé­cifique, nous allons montrer que la disposition mimétique ne représente pas seulement un risque démesuré de violence comme nous venons d’en parler, mais aussi un élément essentiel à la production et à la reproduction du lien social.


Nous avons résumé le point de vue de Lorenz concernant l'instinct d'agressivité. Nous devons encore abor­der avec lui celui du gré­garisme, l'ins­tinct grégaire, qui doit être - il nous semble - la base biologique du mimé­tisme. A l'intérieur de la bande grégaire, le mimé­tisme est tel que la synonymie est quasi par­faite entre tous les com­porte­ments indi­vi­duels. Par contre, n'im­porte quel in­dividu qui pour l'une ou l'autre raison modulera son com­portement propre dans une orienta­tion différente de celle de l'ensemble de ses con­génè­res ris­quera for­tement d'amor­cer un nou­veau comportement qui rapide­ment deviendra hégémoni­que, de marginal qu'il était. Erich von Holst a étudié ces raisons qui font qu'un comporte­ment individuel margi­nal puisse amorcer un nouveau mouvement global. Lorenz rapporte ainsi l'expérience de son col­lègue :  « Von Holst enleva a un petit poisson vairon la par­tie antérieure du cerveau, siège de toutes les réactions assu­rant la cohésion [à base miméti­que] de l'essaim. Le vairon ainsi opéré voit, mange et nage comme ses congé­nères nor­maux. La seule propriété qui l'en distingue, c'est qu'il est parfaite­ment indifférent de per­dre son essaim. Ce qui lui manque, c'est cette hésita­tion et inquiétude que montre un pois­son normal qui, bien que désirant inten­sé­ment nager dans une direction choisie, se retourne pour­tant après quelques mouvements vers les autres membres du groupe et se laisse in­fluencer par le fait qu'ils le suivent ou non. Au poisson décé­rébré de von Holst, tout cela était parfai­tement égal. S'il apercevait de la nourriture ou pour n'importe quelle au­tre rai­son, il se mettait délibérément en marche, et voilà que tout l'essaim le suivait. Grâce à son infirmité, l'animal opéré était devenu le chef incontesté. »[16]


L'espèce humaine montre plus que toute autre une nette tendance au grégarisme et le mi­métisme exa­cerbé dont elle fait preuve, parce qu'il s'applique aussi à la sphère de l'agressivité, aggrave fortement sa vulnérabilité. La survie humaine n'est donc possible que par la créa­tion et la réaf­firmation dans l'ordre social d'inhibi­tions culturelles du mimétisme et de la vio­lence intra-communautaire, vu l'incompétence engendrée par l'arme des mécanismes biologiques d'inhi­bition de l'agressivité intraspécifique. C’est bien là que nous avons à repérer la fonction du lien social. Mais il ne suffit pas de repérer la fonction, nous devons encore proposer un scénario explicatif de cette création sociale des mécanismes inhibiteurs de la violence.


En situation de crise majeure, cet instinct d'agress­ivité intraspécifique peut toutefois subir un ac­ting-out dû à l'incom­pétence conjuguée des mé­canismes biologiques et culturels inhibi­teurs de la vio­lence. Pour René Girard, le comportement particulièrement mimétique des humains en se projetant sur les objets de survie (la nourri­ture, un territoire, etc.) reproduit en perma­nence la rareté et son corollaire obligé, la crise sociale, voire aussi éventuellement son corol­laire possible, la violence sociale[17],[18]. Cette peur de manquer du minimum indispensable ris­que à tout moment de pousser la communauté dans un délire de violence ou émerge le phénomène décrit comme du type "Tous [les uns] contre tous [les au­tres]"[19] et à travers lequel le collectif humain risque de se suicider.


De la même manière que l'instinct d'agressi­vité intraspécifique n'est pas qu'un problème et serait même globale­ment profitable si l’arme n’avait été inventée, l'instinct grégaire et le mi­mé­tisme ne représentent pas seulement un danger sup­plémentaire pour le groupe en situation de crise, mais aussi la possibilité de sorties réso­lu­tives, à savoir un élément essentiel à la production et à la reproduction du lien social comme nous avancions plus haut l’hypothèse.


En situation de crise majeure, et comme chez le poisson décérébré de von Holst, il se trouvera bien un indi­vidu marginal à l'agres­sivi­té particuliè­rement peu inhi­bée[20] pour imposer à tout le groupe une unique victime sur laquelle il s'achar­nait et sur laquelle viendront s'achar­ner par mimétisme tous les au­tres in­dividus. L'instinct gré­gaire per­met ainsi de limiter les dégâts en substi­tuant un "Tous contre un" à un fatal "Tous contre tous".


C’est la grande découverte de René Girard d’avoir montré comment la paix se rétablit via le retour­nement mimétique d'une foule qui transforme en bouc émissaire[21] une vic­time dont le sacrifice as­sure une pé­riode de paix à la commu­nauté qui se res­soude à ses dé­pens, voire qui se consti­tue à la faveur de l'événement. Le sacri­fice unanime du bouc émissaire in­terrompt ainsi le cercle vicieux de la violence. C'est donc la même disposition gré­gaire et mi­métique qui à la fois dé­com­pose les struc­tures de la commu­nauté et déclenche le mécanisme du bouc émis­saire qui lui as­sure sa re­composi­tion. C’est donc à cette disposition mimétique que nous devons, non seulement le risque d’éclatement communautaire, mais aussi la recom­position du lien social.


Ce phénomène a lui aussi une base phylogénétique que les éthologistes ont bien étudiée. La tiers-victimisation remplit dans le règne animal diverses fonctions comme la résolution d'épi­sodes critiques, mais aussi de motivation d'autres comportements pul­sion­nels, tel que la re­cherche de partenaire sexuel. Boris Cyrulnik rapporte les observations de Ploog sur le recours à la mécanique victimaire chez des primates non humains[22]. « Ploog raconte la rencontre et la hiérarchisation de deux groupes de saïmiris, petits singes tropicaux à longue queue prenante. D'abord, ils déchargent une intense agressivité collective. Les femelles de haut rang crient, se menacent et se mordent. Les mâles se défient en violents duels. Finalement un des deux groupes se retire dans un coin et cède le terrain. Alors, dans le groupe des vaincus on assiste à des modifications de structures sociales. Les mâles se disputent et établissent entre eux une nouvelle hiérarchie. Puis, ils dési­gnent parmi les mâles subordonnés celui qui servira de souffre-douleur. Le groupe des vain­cus concentre son agressivité sur ce bouc émissaire qui rapidement va maigrir, altérer son état général, souffrir de ses blessures et parfois mourir. Mais par ce stratagème les autres mâles du groupe vont pouvoir abaisser leur tension, décharger leur agressivité qu'ils n'osaient plus orienter sur les vainqueurs et se sentir de nouveau dominants par rapport à ce singe bouc émissaire dominé. Leur moral remonte, le groupe vaincu s'apaise et la sexualité reprend ». En ce qui concerne la motivation d'autres comportements instinctifs comme celui du rut, Irenaüs Eibl Eibesfeldt rapporte ainsi une observation de Konrad Lorenz : « un jars com­mence par lancer une attaque réelle ou simulée contre quelque con­génère ou des humains sur la rive, puis retourne à celle qu'il a choisie et l'accueille avec un cri de triomphe. Il renouvelle ce manège jusqu'à ce que la femelle, consentante, lance le même appel. Des attaques simulées contre un voisin quelconque suivies par le cri de triomphe renfor­cent ultérieurement le lien avec le partenaire »[23].


C'est le rite du bouc émissaire décrit par René Girard, le "Tous contre", qui réussit - il nous semble - ce que Lorenz ap­pelle « la tâche prati­quement im­possi­ble d'empê­cher que l'agres­sion in­traspécifique nuise sérieusement à la conservation de l'es­pèce, sans que pour autant ne soient éliminées ses fonctions indispensa­bles dans l'intérêt de l'espèce »[24]. Le "Tous contre un" met donc momenta­né­ment un terme à la crise en inter­rom­pant le geste d'agression du "Tous contre tous".


Si l’humanité a pu se protéger de l’autodestruction en créant un lien social construit sur la  mécanique victimaire, nous devons encore montrer le besoin de communication et la grande efficacité du langage pour produire et reproduire ce lien social. Ici encore, c’est à René Girard que nous allons faire appel, en intégrant maintenant une dimension rituelle à notre explication.


Une autre grande intuition de Girard l’a conduit à faire l’hypothèse que le geste d'agression interrompu pour se limiter à une uni­que victime est devenu le geste de dé­signa­tion et de représenta­tion, le joker dis­po­nible à la diversité des signifiés. Toutefois, ce sont les résultats des recherches éthologiques qui nous permettent de tester cette hypothèse de Girard. Ce faisant, nous nous mettons en position de proposer un scénario possible de l’apparition du langage.


Pour comprendre comment un geste d'agressivité puisse donner naissance à un geste de com­munica­tion, nous allons faire appel à Lorenz. Il écrit que « la dévia­tion ou la réorientation de l'atta­que est probablement l'échappatoire la plus in­génieuse que l'évolution ait in­ventée pour diriger l'agression vers des voies inof­fensives »[25]. Ainsi, un geste d'agressivité de la part d'une cane est modulé par une esquisse de geste pro­tectionniste de recherche de sé­curité. Plus l'agressivité montera, plus dé­ter­minée aussi sera cette « force mysté­rieuse » qui la ramènera à l'espace de sé­curité. La cane ta­dorne d'Europe, par exemple, si elle est face à son mâle, allonge tête et cou en arrière par-dessus son épaule pour menacer ses ennemis. La partie posté­rieure du corps sert au mouve­ment de fuite, la partie anté­rieure à l'agression. Son mouvement est alors une composi­tion d'agres­sion et de fuite. Cette com­posi­tion se substitue au couple sé­paré dans le temps et dans l'es­pace des mouve­ments d'agres­sion et de fuite. Lorenz parle dans ce cas de rituali­sation de premier degré. Chez les ca­nards de surface, le dou­ble mouve­ment agressivité-fuite de la cane se contracte en un mouvement pen­du­laire du cou qui va de la direc­tion de l'ennemi à celle du mâle pro­tec­teur. On sent bien ici qu'une ri­tualisation plus poussée va conduire à un "oubli" de la si­gnifi­cation origi­nelle du double mou­vement ; "oubli" qui ne man­querait pas si l'objet d'agres­sivi­té avait dis­paru. Ainsi, la cane du garrot à l’œil d'or nage der­rière son mâle en faisant des mou­vements du cou et de la tête, al­terna­tive­ment de droite en arrière et de gau­che en ar­rière, et ceci malgré l'ab­sence de toute menace. Il est évident à ce stade qu'on a de la peine à identifier ces mou­ve­ments comme des séquelles de mou­vements cou­plés d'agression et de fuite si l'on n'en con­naît pas les sta­des phylo­génétiques inter­mé­diai­res. On parle alors de ritualisa­tion de second de­gré. Au cours du proces­sus phylo­génétique sont donc ap­pa­rus de nou­veaux comportements ins­tinctifs dont la forme imite le mode du com­portement agression-fuite, mais dont la fonc­tion s'en dis­tingue. En mimant le comportement agression-fuite en l'absence d'en­nemi, la femelle du garrot à l’œil d'or communique à son mâle sa disponibilité coïtale. La ritualisation donne ainsi accès à une nouvelle fonction, celle de la communication.


Admettons ainsi comme acceptable l'hypothèse qu'un geste d'agressivité puisse don­ner nais­sance à un geste de com­munication, puisse en définitive créer de la signification.


Chez les humains, pour que la parole puisse advenir, le phénomène de ritualisation doit at­teindre un niveau tertiaire. Pour clarifier ce que nous entendons par ce nouveau concept de "ritualisation tertiaire", je vais me référer à une expérience de Cyrulnik[26]. Celui-ci a observé le comportement de jeunes enfants assis sur une chaise-bébé et placés en face d'un objet con­voité mais hors de portée. Jusqu'à environ un an, l'enfant porte le regard dans la direction de l'objet, tend la main dans un geste de préemption, se met à crier comme il ne peut l'atteindre et finit par s'auto-agresser, par exemple en se mordant les mains. Ce geste désespéré de préemp­tion est bien déjà un signe, mais reste fusionné au corps tendu de l'enfant vers l'objet de son désir. Après cet âge, la main tendue va finir par se refermer pour ne laisser que l'index tendu vers l'objet convoité, son regard ne se portera plus seulement sur cet objet mais aussi dans la direction de l'adulte présent dans la pièce. Cyrulnik parle du "stade du pointer du doigt" ou "stade de l’index". Avant ce stade, le niveau de communication de l'enfant n'était encore que du type de celui décrit plus haut chez la cane du garrot à l’œil d'or et qui procède d'une rituali­sation secondaire. Contrairement au signe de communication élaboré tant par la cane de Lorenz que par l'enfant avant qu'il n'atteigne le stade de l'index, une fois cette étape de son développement franchie, le signe produit par l'enfant s'autonomise par rapport à son corps et la communication acquiert alors une fonction de désignation. Cette dernière étape précède l’acquisition du langage. Cette antériorité phylogénétique du geste manuel de communication par rapport au langage parlé[27] va dans le même sens que l’hypothèse de Michael Corballis que nous avons mentionné au début de notre article.


Après avoir développé plus haut l'hypothèse de Konrad Lorenz selon laquelle le geste de communication est en définitive une production du comportement agressif, et comment chez l'homme cette fonction de communication peut atteindre un niveau de désignation, nous pou­vons nous référer encore une fois à René Girard pour indiquer comment, chez les humains, le geste violent de désignation de la victime émissaire est source d'une infinitude de significa­tions[28].


L'expérience de la paix retrouvée au décours de phénomènes de type "Tous con­tre un" ré­solu­tifs de crise va amener les groupes hu­mains à repro­duire rituel­le­ment le phénomène mi­méti­que non plus seulement pour mettre un terme à une crise, mais aussi pour en bénéfi­cier indé­pendam­ment. A l'instar de la cane de Lorenz qui n'exécute plus le mouvement de rituel qu'en ab­sence d'en­nemi, les groupes humains vont aussi repro­duire le rituel de réso­lution de crise en dehors du contexte criti­que. Et comme pour la cane du garrot à l’œil d'or, pour lui donner de la si­gni­fication.


Selon Girard, l'exclusion-exécution de la vic­time émissaire vécue dans l'in­con­science du mé­canisme mais toute­fois représentée, est la source du sacré, de la culture et de toutes les institu­tions hu­maines, en synthèse du lien social. La représenta­tion est néces­saire parce que « l'évé­nement fonda­teur ne fonde­rait rien sans la représentation, car sa présence même n'est que des­truction. La pre­mière vic­time n'est qu'un cadavre jus­qu'à ce qu'on la sacre divinité en la "représentant", ne serait-ce que par un geste effarou­ché qui la désigne à la contem­plation collective sans qu'il soit ques­tion pour per­sonne de se l'approprier à son usage person­nel »[29].


« Une infinitude de significations » (cf. note 28) s'ébauchent ainsi à par­tir de la victime émis­saire. Parce qu'elle est à la fois pacifique et vio­lente, bonne et mauvaise, la victime émissaire se constitue en signi­fiant trans­cendantal.


Afin de pérenniser la réconciliation amorcée par l'acte sacrificiel, les hommes vont s'atta­cher à re­produire ce signe ; c'est-à-dire, d'après Girard, à pratiquer le lan­gage du rituel et du sa­cré, à prati­quer le langage tout sim­plement. L'échange de paroles a dû s'élaborer à partir de l’expression audible de la surprise et de l’étonnement[30] qui accompagnent la crise mimétique et que le rite re­pro­duit en dehors du con­texte critique. Ces cris ont dû se ryth­mer[31] face au spectacle du sacrifice puisque c'est dans un esprit de collaboration mimétique que toutes les dimensions de la crise sont figurées.


Le langage ne s’est toutefois pas autolimité à la sphère du sacré. En raison de sa générativité[32], il est devenu l’instrument majeur de communication dans tous les domaines de la vie humaine en dépassant les strictes nécessités de production et reproduction du lien social. C’est ce que nous allons maintenant développer.


Pour Girard, « le signi­fiant, c'est la vic­time. Le signifié, c'est tout le sens actuel et potentiel que la communauté confère à cette victime et, par son in­termédiaire, à toute chose. Le signe c'est l'acte sacrificiel »[33],[34]. Pour comprendre cette proposition de Girard un détour par d'autres auteurs nous sera nécessaire une fois encore.


Tout signe[35] comporte deux versants, l'un sémiotique est sensible, l'autre sémantique est intel­ligible. Le signifiant est ainsi la partie du signe qui est sensible (perceptible, visible, audible), tandis que le signifié en est la partie intelligible (cachée, immatérielle, mais qui fait sens). Ces deux dimensions sont nécessaires pour que le signe puisse efficacement indiquer le référent auquel il se rapporte. Si nous disons « laporte », notre interlocuteur devra comprendre si nous lui demandons de fermer la porte, ou de sortir de la pièce, ou si nous faisons seulement réfé­rence à l'objet même de la porte, ou plutôt encore si nous parlons de notre collègue le Dr Laporte. Le signifiant ne suffit donc pas, le signifié est lui aussi indispensable à la compré­hension.


La communication ou la production du signifié se développe le long des deux lignes sémanti­ques - de similarité ou de contiguïté - bien décrites par les linguis­tes. Dans le premier cas de figure, via une modification minimale du contenu sémantique ou bien sémiotique[36], un signi­fiant est substitué à un suivant, lui-même à un troisième, etc. La métaphore[37] met ainsi de plus en plus de figural là où se trouvait du propre. Pour Lacan, la métaphore est substitution signi­fiante, substitution de signifiants. On se rappelle le signifiant métaphorique S' qui fait passer l'ancien signifiant S ainsi que le signifié s qui lui est associé sous la barre de la signification, faisant perdre son évidence au rapport entre signifiant métaphorique et signifié[38]. La distance ainsi créée entre signifiant et signifié ouvre un espace disponible pour une nouvelle greffe de signification. Dans son jargon, Lacan écrit qu' « il faut définir la métaphore par l'implantation dans une chaîne signifiante d'un autre signifiant, par quoi celui qu'il supplante tombe au rang de signifié et comme signifiant latent y perpétue l'intervalle ou une autre chaîne signifiante pour y être entée »[39]. La signification originaire est ainsi comme oblitérée, exilée du sens pro­pre. Dans le second cas, par un mécanisme de contiguïté, un signifiant va subir des modifica­tions sans cette fois s'écar­ter définitivement de son sens origi­nal, sans donc engendrer de si­gnification nouvelle, sans engendrer d'intervalle comme aurait dit Lacan. Par exemple, les êtres humains seront dits "les hommes" (une partie au lieu de l’ensemble des hommes et des fem­mes) ou même encore désignés comme "les mortels". On est ici dans le contexte de la méto­nymie[40].


Le geste d'agression centré sur la victime émissaire devient le geste de communication (ritua­lisation secondaire), voire de dé­signation et de représentation (ritualisation tertiaire). Il est le signifiant fondamental, le joker disponible à la diversité des signifiés. Lorsque l'événement victimaire - voire l’acte sacrificiel - se passe sans que la communauté n'accède à sa significa­tion, le premier signifiant emprunte alors le chemin de la métaphore pour ouvrir une nouvelle voie de signification déliée de la victime émissaire. En empruntant un chemin métonymique, le signifiant aurait pu dire son sens à travers l'interdit de la violence mimétique qu'appelle la souffrance de la victime[41]. Cet interdit est contigu au geste violent et mimé­tique d'appropria­tion avorté par la peur de la violence-même. L'interdit est le geste-même, mais dévié. A la différence d'une infinité de signifiés qui se constituent « méta­pho­riquement » dans un pro­cessus de ri­tuali­sation qui prend son origine dans la victime émissaire et s'en éloignant de plus en plus, l'interdit de la violence s'inter­poserait entre l'agresseur et la victime pour bloquer tout proces­sus de ritualisation. La fondation culturelle de l'interdit ne prendrait donc pas son origine à partir du meurtre de la victime émis­saire, mais bien à partir de la négation de celui-ci. Si l'homme reste sourd à la loi de l'interdit, c'est-à-dire au sens premier de son geste - c'est la peur qui le rend sourd, et c'est son non-accès à la Loi qui l'angoisse -, son geste reste alors conflictuel et s'y substitue un autre geste similaire mais non-décentré de la victime émis­saire.


Selon Girard, il n'y a pas de signification, de repré­sentation, qui ne s'ébauche à partir de la victime émissaire et qui ne paraisse en même temps transcendée par elle. Ce premier signi­fiant est un signifiant pur dépourvu de signification en rapport avec la violence réelle qui lui donne naissance. Il est réellement disponible à tous les signifiés possibles. Lacan appelle phallus le signifiant fondamental, tout en précisant qu'il est métaphore du manque à être. Et selon lui, la métaphore est liée à la question de l'être et la métonymie à son manque[42],[43]. Il me semble ainsi qu'un schritt zurück (le "pas qui rétrocède" chez Heidegger) dans la chaîne des signifiants peut légitimement nous conduire à la victime émissaire de Girard.


La re­présentation peut être fonctionnelle pour faire en­tendre la Loi, ou sinon, c'est-à-dire si la dénégation violente de la violence prend le dessus, cette même représentation sera fonction­nelle pour en­gendrer la cul­ture « de notre monde ». Dans le premier cas la re­présentation fonctionne de façon métony­mique, dans l'autre de façon métapho­rique, organisant le transport (meta­phora) vers un ailleurs, « notre » monde. 


En empruntant la voie métaphorique, le signifiant victimaire va conditionner l'ensemble des signifiés. Comme chez les ca­nards, la direction métaphorique que fait prendre aux choses la ritua­lisation fait que s'ac­croît toujours la distance entre signi­fiant et signifié. L'ex­périence de la paix qui se restaure via le sacri­fice du bouc émissaire (perçu alors comme unique principe organisation­nel), via le mi­métisme de tous contre un, amène à sélection­ner le rituel parmi tous les comportements sociaux pro­bables dans le champ de la gestion né­cessaire de la violence. Au départ le rituel tue vraiment, ensuite par un phé­nomène de l'ordre l'instiga­tion, le rite devient imitation du sacri­fice humain dans le sacrifice d'ani­maux (do­mesti­ques le plus souvent car comme "humanisés" par l'homme), puis seule­ment image de sacrifice (idole), rituel ritua­lisé, et enfin, la parole qui s'est imposé comme l'instrument do­minant de la commu­nication humaine.


Si le dire trouve son origine dans l'occultation du cri de la victime émissaire, l'interdire par contre est reconnaissance de l'autre en son altérité. Kortmulder, cité par Konrad Lorenz, a montré la né­cessité pour toute culture hu­maine d'interdire la violence interne aux grou­pes com­munautaires, de manière plus déterminée encore que chez les autres mam­mifères supé­rieurs. Chez ces der­niers, il s'agit davantage d'une sorte de principe d'ordre plutôt que d'un in­terdit à proprement parler. Lorenz a bien décrit ce principe d'or­dre protecteur de l'espèce : « Chaque in­divi­du d'une société sait lequel de ses compa­gnons vivant dans la même so­ciété est plus fort ou plus faible que lui-même. Il peut donc se retirer sans combat de­vant le plus fort et s'attendre, d'autre part, à ce que le plus faible se retire sans combat de­vant lui, lorsque l'un ou l'autre croisent son chemin »[44]. Face au risque d'auto­destruction sociale (et de l'expé­rience de la disparition de certains groupes hu­mains) et de l'effi­cacité insuffisante des inhibitions ins­tinctuelles, des conduites préventi­ves de contrôle so­cial de la violence se sont impo­sées plus fortement encore que chez toute autre espèce mammifère. Ces conduites pré­ventives ont pris la forme d'in­terdits qui se sont avérés efficaces pour empê­cher ou du moins raréfier la vio­lence intra-communau­taire. L'interdit de la violence intra-commu­nautaire – l’élément central du lien social – a dû s'imposer suffi­samment rapide­ment comme mécanisme d'inhibition cultu­relle de la violence pour permet­tre la survie de l'espèce humaine fragilisée par son processus d'ho­minisa­tion accé­lérée.




Notes:


[1] Papart JP, Heggerickx I. Pourquoi parlons-nous ? L’autre, Cliniques, cultures et sociétés, Vol. 3, nº1, 95-108, 2002. ISSN 1626-5378 ISBN 2859191755.

[2] R. Dunbar, Le langage crée le lien social, La Recherche, 341, p. 27-31, Avril 2001.

[3] J.-L. Dessales, L’origine politique du langage, La Recherche, 341, p.31-35, Avril 2001.

[4] M. Corballis, L’origine gestuelle du langage, La Recherche, 341, p. 35-39, Avril 2001.

[5] H. Jerison, Evolution of the Brain and Intelligence, Academic Press, New York, 1973.

[6] R. Dunbar, Journal of Human Evolution, 22, 469, 1992.

[7]  K. Lorenz, L’Agression - Une histoire naturelle du mal, Flammarion, Paris, 1969.

[8] A. Demaret, Modèles éthologiques des troubles alimentaires. In M. Elkaïm et E. Goldbeter (éd): Anorexie et boulimie. Modèles, recherches et traitements. Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux. N°16. De Boeck Université. Bruxelles, p. 59, 1996.

[9] N. Tinbergen, Study of instinct, Clarendon Press Ed., Oxford, 1951.

[10] I. Eibl Eibesfeld, Liebe und Hass, R. Piper & Co, München, ch. 5, 1970.

[11] L'agressivité in­traspécifique est recherche de rival, comme la faim est recherche de nourriture ou le rut recher­che de partenaire.

[12] I. Eibl Eibesfeld, Liebe und Hass, R. Piper & Co, München, ch. 6, 1970.

[13] K. Lorenz, L’Agression - Une histoire naturelle du mal, Flammarion, Paris, p. 257, 1969.

[14] Il est démontré que la seule vue d'une arme est suffisante pour déclencher l'agressivité.

[15] L. Berkowitz, Seeing a gun can trigger aggression, Sci J, April, 9, 1968.

[16] K. Lorenz, L’Agression - Une histoire naturelle du mal, Flammarion, Paris, p. 160, 1969.

[17] R. Girard, La violence et le sacré, Gallimard, Paris, 1971.

[18] R. Girard, Des choses cachées depuis la fondation du monde, Gallimard, Paris, 1978.

[19] Cette expression de "guerre de tous contre tous" a été utilisée pour la première fois par Hobbes dans son Leviathan (Part.I, ch.13).

[20] A l'instar de la plupart des caractéristiques biologiques d'une même espèce, l'agressivité humaine est elle aussi distribuée de façon gaussienne.

[21] Bouc émissaire vient du latin caper emissarius (Vulgate), traduction trop libre du grec apopompaios qui signi­fie « ce qui écarte les fléaux ». Sa fonction est bien définie dans la To­rah : « Aaron posera ses deux mains sur la tête du bouc vivant, et confessera sur lui toutes les iniquités des fils d'Israël et toutes leurs transgressions, selon tous leurs péchés ; il les mettra sur la tête du bouc, et l'enverra au désert par un homme qui se tiendra prêt [pour cela] ; et le bouc portera sur lui toutes les iniquités dans une terre inhabi­tée, ... » (Lv 16, 21-22).

[22] B. Cyrulnik, Mémoire de singe et paroles d’homme, Hachette, Paris, p.262, 1983.

[23] I. Eibl Eibesfeld, Liebe und Hass, R. Piper & Co, München, ch. 7, 1970.

[24] K. Lorenz, L’Agression - Une histoire naturelle du mal, Flammarion, Paris, p.121-122, 1969.

[25] K. Lorenz, L’Agression - Une histoire naturelle du mal, Flammarion, Paris, p. 67, 1969.

[26] B. Cyrulnik, La naissance du sens, Questions de Sciences, Hachette, Paris, p. 54-56, 1995.

[27] Le principal avantage concret du langage oral sur le langage gestuel est de permettre de libérer les mains afin de communiquer tout en gardant les mains libres pour d’autres activités que la communication.

[28] Nous préférons écrire « une infinitude de significations » plutôt que « la source de toutes significations » comme le dit Girard, convaincu que nous sommes par la position de Lucien Scubla. (Voir 'Contribution à une théorie du sacrifice', in 'Girard et le problème du mal', Seuil.)

[29] E. Gans, Le Logos de René Girard in René Girard et le problème du mal, Seuil, Paris, p. 188, 1980.

[30] Dans son article publié dans La Recherche (n°341, avril 2001), Jean-Louis Dessales écrit : « … nous communi­quons spontanément notre surprise devant des faits ou des événements inattendus. Comme le langage, ce ré­flexe émerge très tôt, vers l’âge de 1 an, dans le développement humain, et il semble universel : aucune culture n’a été décrite dans laquelle les événements incongrus ne feraient pas l’objet d’un acte de communication ». Dans l’épisode n°9 des Troubles du spectre traumatisme, nous avons évoqué l’importance de la surprise et nous y reviendrons souvent dans la présente série.

[31] Un peu comme les applaudissements d'une salle lorsque ceux-ci se prolongent un tant soit peu.

[32] N. Chomsky, Réflexion sur le langage, Flammarion, Paris, 1981.

[33] R. Girard, Des choses cachées depuis la fondation du monde, Grasset, Paris, p.112, 1978.

[34] Afin de ne pas employer le mot victime déjà utilisé dans la définition du signifiant, il me paraît pertinent de définir le signe comme l'acte sacrificiel en respectant l'intention de René Girard. Il avait écrit : « le signe, c’est la victime réconciliatrice ».

[35] Du latin signum qui signifie marque, statue, sceau.

[36] Exemples présentés par A. Lemaire dans son livre 'Jacques Lacan' : Enseignement peut s'as­socier par le sens (signifié) à apprentissage et à éducation (substitution sémantique) et par le son (signifiant) à enseigner, rensei­gner ou à armement, chargement (substitution sémioti­que).

[37] La métaphore (metaphora signifie trans­port) est un procédé par lequel on transporte la si­gnification propre d'un mot à une autre signification qui ne lui convient qu'en vertu d'une com­paraison sous-entendue (ex. la lumière de l'esprit, la fleur des ans, brûler de désir) [Petit Larousse].

[38] Personnellement, je trouve très malhonnête de Lacan de ne pas avoir déclaré la paternité intellectuelle – à savoir Konrad Lorenz – de cette compréhension entre signifiant et signifié.

[39] J. Lacan, Ecrits, Seuil, Paris, p.708, 1966.

[40] La métonymie (metônumia signifie chan­gement) est un procédé par lequel on rem­place un mot par un autre qui lui est uni par une relation nécessaire. On remplace par exemple l'effet par la cause, le contenu par le conte­nant, le tout par la partie, etc. (ex. Il vit "de son travail" pour "les fruits de son travail" ; "la ville" pour "les ha­bitants" ». Les métonymies sont par ailleurs des synecdoques (sunekdokhê signifie compréhension simultanée) en ce sens que contrairement aux métaphores leur sens est directement évident.

[41] Pareillement, selon A. Lemaire, Lacan assimile signifiant à métaphore et signifié à métonymies.

[42] J. Lacan, Ecrits, L’instance de la lettre dans l’inconscient, Seuil, Paris, p.289, 1966.

[43] Lacan n’avait d’autre choix que de sauver le freudisme pour sauver son lacanisme.

[44] K. Lorenz, L’Agression - Une histoire naturelle du mal, Flammarion, Paris, p. 54, 1969.

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