Nous avons présenté la théorie cortisolique du trouble de stress post-traumatique (TSPT) dans l’épisode précédent de la présente série. Nous avions expliqué que dans de fréquentes situations de TSPT, on constate à la fois une hypoactivité de l’axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien (axe HHS) et une hyperactivité du système nerveux sympathique (SNS). Nous avons ainsi vu que, paradoxalement, le TSPT peut associer une faible concentration de cortisol et une forte concentration de corticolibérine (CRF). Dans cet épisode, nous allons présenter l’action inflammatoire-immunologique du stress sur ce même axe HHS.
Les troubles du spectre traumatique – physiopathologie – 2mre partie : la théorie inflammatoire
Figure n°1 : Effets pro-inflammatoires du stress
Le stress a non seulement une action sur l’axe HHS mais aussi – dans certaines conditions – sur la microglie cérébrale et sur les astrocytes en particulier pour leur faire synthétiser et sécréter des cytoquines proinflammatoires (Interleukines-1β, Interleukines-6, Tumor necrosis factor-α). Au niveau périphérique, le stress peut aussi induire ces mêmes sécrétions cytoquiniques au niveau des cellules immunitaires (lymphocytes, macrocytes) ainsi qu’au niveau des cellules vasculaires endothéliales (Figure n°1). Ces plus fortes concentration de cytoquines vont surstimuler la synthèse et sécrétion de CRF au niveau du NPV de l’hypothalamus. Les cytoquines d’origine périphérique peuvent également impacter le cerveau en traversant barrière hémato-encéphalique. En effet, celle-ci, en raison du processus inflammatoire, peut subir une certaine perte d’étanchéité à certains endroits (leaky regions). Ces cytoquines périphériques peuvent encore impacter les fibres afférentes du Vague et affecter ainsi pareillement le cerveau.
A leur tour les fortes concentrations observées en CRF vont majorer la sécrétion de noradrénaline (NA) à partir du Locus coeruleus (LC) ce qui va renforcer l’hypervigilance de la réaction émotionnelle comme nous l’avons expliqué précédemment[1]. Cette sur-libération de NA va avoir une action sur les cellules immunitaires périphériques pour majorer encore davantage la libération de cytoquines proinflammatoires (FB(+)). La NA surstimule la libération d’adrénaline (A) par la médullo-surrénale. L’A comme la NA stimule la sécrétion des cytoquines par les cellules immunitaires périphériques. Les cytoquines vont à leur tour restimuler (FB(+)) la production et la sécrétion de CRF.
Dans le TSPT, il y a fréquemment et paradoxalement une forte concentration de CRF associée à une faible cortisolémie expliquée par la prédominance de la rétroaction négative expliquée par une plus forte concentration et sensibilité des récepteurs GR par action épigénétique. Comme il y a moins de cortisol, il y a moins d’effet antiinflammatoire et donc davantage de cytoquines en circulation.
Le facteur inflammatoire ne vient pas seulement du stress mais est aussi favorisé par la coexistence de situations métaboliques pathologiques (syndrome métabolique, diabète, …) fréquemment associées au TSPT lorsque la prise en charge médicale de celui-ci a tardé.
L’influence des cytoquines peut donc s’avérer très préjudiciable pour de nombreuses fonctions cérébrales comme la cognition, la mémoire, la neurogenèse et la plasticité cérébrale. La maladie de la mémoire que représente le TSPT est donc en partie significativement attribuable au processus inflammatoire généré par le stress et aux événements à potentiel traumatique (EPT).
Un autre conséquence de l’action proinflammatoire des cytoquines est à la forte augmentation de la concentration en indoléamine 2,3-dioxygénase qui dégrade le tryptophane en kynurénine. Le tryptophane n’est alors plus suffisamment disponible à la synthèse de sérotonine, ce qui va favoriser la symptomatologie thymique associée au TSPT.
[1] Du Vague à l’âme, épisode n°4.
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